LE CHATEAU DE TAUREDUN. 205 



Corrêpta sub undis

Scuta virum gaUasque et fortia corpora volvU,
Apparent rari nantes m gurgitevasto *.



Un petit nombre^ comme nous Tavons dit^ put avec
peine^ en nageant et à l'aide des boucliers^ gagner l'autre
bord. Dépouillés de tout ce qu'ils possédaient^ privés de
leurs cheyaux^ils ne rentrèrent dans leurs pays qu'avec
de grandes difficultés; on donna cependant à Firmin et
à Audovaire la liberté de s'en retourner. Plusieurs des
gens d'Auvergne périrent non-seulement emportés par
le fleuve^ mais frappés du glaive. De cette manière^
Contran rentra en possession de cette ville, et avec sa
bonté accoutumée rendit Avignon à son frère.

XXXI. — Il parut alors dans les Gaules un grand pro-
dige au château Tauredunum, situé sur une montagne
au bord du Rhône '. Cette montagne fit entendre pen-
dant près de soixante jours un étrange mugissement^ et
enfin elle se sépara d'une autre dont elle était proche^

1 « Il roule dans ses eaux les boucliers, les casques et les

« corps robustes des guerriers Un petit nombre parait çà et

« là, nageant sur le gouffre immense. »

> Tauredunum, Il est assez difficile de déterminer la position
de ce lieu; quelques savants ont pensé qu'il s'agissait de Tour-
non en Yivarais ; mais la description que donne Grégoire de
Tours et les circonstances de l'inondation ne sauraient s'7 ap-
pliquer. Selon d'autres, le fort de Tauredunum était situé dans
le Valais, et un passage de la Chronique de Marins d'Avenches
semble venir àl'appui de cette opinion. Cependant il est plus pro-
bable qu'il s'agit ici du fort l'Ecluse, entre Sejssel et Genève,
lieu où le Rhône coule en effet dans une gorge fort resserrée,
et qui offre des traces d'un déchirement des montagnes. Dans
cette hypothèse, le grand amas d'eau qui, selon Grégoire de
Tours, eut lieu à Genève, située au-dessus du fort l'Ecluse, ne

serait pas impossible à concevoir. (Ycir la Oéogr.)

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206 LE C'HATEAU DE TAUREDUN.

et se précipita dans le fleuve avec les hommes^ les égli-
ses, les richesses et les maisons qu'elle portait. Le fleuve
sortit de son lit et reflua^ car cet endroit était des
deux côtés serré par des montagnes, entre lesquelles
ses eaux torrentueuses coulaient par un lit étroit. Le
fleuve^ dans cette inondation, engloutit et renversa tout
ce qui se trouvait sur ses rives supérieures; puis
les eaux amoncelées, se précipitant de nouveau,
surprirent inopinément, comme elles Tavaient fait
plus haut, les habitants du pays situé plu3 bas, les
noyèrent, abattirent les maisons, emportèrent les
chevaux et ce qui se trouvait sur la rive, boulever-
sant et ravageant tout par une inondation violente
et subite jusqu'à la ville de Genève. On dit qu'il s'a-
massa dans cette ville une telle quantité d'eau, qu'elle
franchit les murs, ce qui n'a rien d'invraisemblable parce
que,commenousravon8dit,leRhôneencetendrDitcoule
dans un défilé entre des montagnes, et se trouvant in-
tercepté, sans avoir sur ses côtés de passage par où il
pût s'échapper, il franchit la montagne renversée, et
détruisit tout. A la suite de cette catastrophe, trente
moines de l'endroit où était tombé le château vinrent
fouiller la terre sur la partie de la montagne demeurée de-
bout, et y trouvèrent du fer ou de l'airain. Pendant qu'ils
étaient occupés à ce travail, ils entendirent encore la
montagne mugir comme auparavant, leur âpre cupidité
les retint et la portion qui n'était pas encore tombée se
renversa sur eux, les ensevelit et les fit périr sans qu'on
ait jamais pu les retrouver. De même de grands prodi-