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"The Gathering of the Clan" - Lucette Tardent-Bentz - Souvenirs d'enfance de Noël Le passage d'une année à l'autre était une occasion de se retrouver en grande famille Tardent Langenthal. Entre vingt ou trente convives prenaient place autour de tables réquisitionnées partout, même chez les voisins. Les sièges, également disparates, allaient de chaise rembourrée jusqu'au tabouret de cuisine, réservé au plus jeunes enfants. Graçe à nos liens avec la Fabrique de Porcelaine de Langenthal, nous avions assez de vaisselle. Les préparatifs commençaient des semaines à l'avance: contrôle des réserves, comptage des assiettes, des services (fourchettes, couteaux, cuillères), établissement d'un programme des achats à faire avec les dates précises. Le menu était un classique dans la famille: tripes, pommes-de-terre vapeur, salade, dessert. Ce dernier posait le moins de problèmes: des rangées de bocaux remplis de délicieux fruits attendaient à la cave et il y avait encore assez de biscuits de Noël pour aller avec. Le plat principal devait mijoter pendant des heures dans de grandes casseroles. Tripes, herbes, pieds de veau pour l'onctuosité de la sauce, tomates et poireaux mariaient leurs saveurs et ce sont des plats généreux et odorants que maman apportait sur la table, accueillie de Ah! et Oh! admiratifs. Les convives arrivaient vers vingt heures, parfois frigorifiés tant qu'il faisait froid. Manteaux et écharpes s'empilaient sur les lits et bientôt tout ce petit monde se retrouvait autour de la table. Il y avait là oncle Pierre et tante Rösi, chaleureux, oncle Fernand et tante Lucette, oncle Frédéric et tante Irène, animés et loquaces, oncle Louis et tante Kläri, oncle Jean et sa femme, souvent des jeunes: Pierre Renfer, Suzanne, Pierino, Jean-Paul, Luce, Anne-Marie, Jean-Louis – et nous, les six de l'Allmen: Michel, Mimi, Jacqueline, Lucette, Philippe et Marie-Louise. Manquaient les Tardents de Lausanne: oncle Marcel et tante Hélène et leurs filles Annette et Marie-Antoinette ainsi qu'oncle Eugène et tante Augusta. Pas de champagne, pas de foie gras, mais quelle ambiance! Les verres remplis d'un bon vin de chez nous, (donc Vaudois!), les plats fumants de tripes et de pommes de terre avaient tôt fait de délier les langues, les conversations étaient animées, ou rigolait, ou trinquait et un joyeux brouhaha remplissait la maison. Et juste avant minuit, papa enclenchait la radio pour que nous puissions tous écouter les douze coups de minuit, et les cloches de la Cathédrale de Lausanne qui carillonnaient à toute volée, nous apportant à tous un message de notre cher Pays de Vaud. Tous se levaient, chacun trinquait avec chacun, un tout grand moment d'émotion qui nous faisait vibrer et qui renforçait les liens de cette grande famille. Comme j'aimais ces soirées spéciales, les embrassades, l'agitation dans la maison, les rires et ces voix connues qui discutaient, ce rideau de bruit qui m'enveloppait comme un cocon d'amour et de solidarité et qui nous isolait, le temps d'une soirée, du monde extérieur froid et parfois menaçant. |
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